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Isabelle Têtu revient sur l’histoire de SABSA

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À l’occasion d’un 4 à 7 organisé par les étudiants du projet de recherche ESPI (Équipe de Soins Primaires Intégrés), Isabelle Têtu co-fondatrice de la Coopérative de solidarité SABSA revient sur l’aventure de ce projet initié en Basse-ville de Québec, dans une très grande proximité et en collaboration avec les gens du quartier, la porte de la clinique ouverte sur la rue.

Le projet pilote d’Équipe de Soins Primaires Intégrés (ESPI) est un projet de recherche qui vise à évaluer des milieux innovants en santé dont l’organisation est basée sur la collaboration interprofessionnelle et le rôle infirmier étendu.

Pour en savoir plus sur ESPI.

 

Un rapport préliminaire a été produit par l’équipe de SABSA que vous pouvez trouver ici.

Suite au refus du ministre Barrette de pérenniser l’action de SABSA en l’intégrant au réseau public et lui accordant un financement qui lui permette de poursuivre sa mission, la Coopérative de solidarité est menacée et devra vraisemblablement  fermer ses portes le 1er mai 2016.

Vous pouvez signer la pétition en ligne déposée à l’Assemblée nationale.

 

Pour des dons à SABSA : c’est ici.

 



Appel à candidatures : bourses Pocosa+Easy

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15 000$ niveau maîtrise – 24 000$ niveau doctorat – 40 000$ stage postdoctoral [1]

 

Offre de la Chaire de recherche du Canada sur l’Évaluation et l’Amélioration du Système de Santé (EASY) et de la Chaire de recherche Pocosa.

 

La Chaire de recherche EASY (Évaluation et l’Amélioration du Système de Santé) a pour principal objectif d’utiliser stratégiquement l’évaluation en fonction des caractéristiques des contextes d’intervention pour favoriser la transformation des pratiques en santé afin de mieux répondre aux besoins de la population.

La Chaire de recherche Pocosa vise à soutenir le développement et la mise en œuvre des réformes nécessaires pour améliorer la performance et la pérennité des systèmes de soins de santé du Canada.

Ces deux Chaires de recherche offrent une bourse pour 2016-2017 pour soutenir un projet de recherche (financé par les IRSC) qui analyse les positions de différents groupes d’acteurs concernant les solutions pour améliorer la performance du système de santé. Projet Stakeholders ou Comment réformer le système de santé ? Perceptions des acteurs-clés des forces du système de santé au Québec, des problèmes et des solutions pour améliorer la performance et garantir sa pérennité.

 

Description du projet

 

Malgré différentes réformes, le système de santé québécois n’a pas atteint ses objectifs en termes de performance et d’organisation des services. Sachant qu’il existe une convergence entre les données scientifiques et les recommandations des commissions publiques sur la santé, l’obstacle principal à la mise en œuvre des réformes semble plutôt relever de questions politiques. L’étudiant devra développer un projet mettant en lien les effets de la réforme actuelle du système de santé avec les résultats du projet Stakeholder

Le rapport de la première étape de ce projet est disponible ici.

 

Durée de la bourse

1 an, non renouvelable.

Critères d’admissibilité

 

  • Détenir un baccalauréat ou une maîtrise en sciences de la santé ou en sciences sociales
  • Remplir une des conditions suivantes :
  • S’inscrire ou être inscrit à la maîtrise, au doctorat ou au post-doctorat à l’Université de Sherbrooke;
  • S’inscrire ou être inscrit à la maîtrise, au doctorat ou au post-doctorat à l’Université de Montréal;
  • Être sous la direction d’au moins un des chercheurs suivants : Astrid Brousselle, Damien Contandriopoulos, Mylaine Breton.

Documents à présenter

 

  • Lettre de motivation décrivant vos intérêts en recherche;
  • Curriculum vitae des IRSC;
  • Relevé de notes d’études universitaires.

Critères de sélection

 

  • Excellence du dossier universitaire;
  • Solide capacité analytique et originalité de la pensée.

 

Candidatures

 

Date de dépôt des dossiers : 15 mai 2016

Envoi des dossiers de candidature : Geneviève Champagne

Date prévue pour l’annonce des résultats : 20 mai 2016

Date de l’entrée en vigueur de la bourse : 1er juin 2016

Renseignements

 

Geneviève Champagne

450 466-5000 poste 4305

 

 

 

[1] Modalités à préciser.

« Les docteurs » existent-ils ?

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Est-ce qu’on a le droit de parler DES docteurs ? La question n’est pas (juste) un exercice de sociologie théorique. Qu’on l’aime ou pas, il est presque impossible de commenter publiquement l’actualité en santé sans utiliser cette expression. Et chaque fois que l’on se réfère « aux docteurs », cela hérisse de nombreux membres de la profession médicale. Des médecins se plaignent de se faire individuellement attribuer des desseins ou des responsabilités de manière injuste puisque – personnellement – ils n’y sont pour rien. Mais est-ce que ces critiques signifient qu’il est sociologiquement fallacieux de parler « des docteurs », de « la profession médicale » ou du « pouvoir médical » ? C’est une vraie question, et pas une question facile…

La seule définition facile (mais triviale) du groupe « des docteurs » relève du domaine démographico-légal : il y a environ vingt mille personnes au Québec qui sont légalement habilitées à pratiquer la médecine. Le collège des médecins tient une liste nominative à jour. Eux, pas de doute, ce sont les docteurs. Sauf que les vingt mille médecins du Québec sont vingt mille personnes différentes, avec des vies, des opinions, des caractéristiques toutes différentes. Ce qui crée deux vraies questions : la première est sociologique et la seconde politique.

La première question porte sur l’homogénéité du groupe. Ça fait plus de cent ans que des sociologues suggèrent que le métier d’une personne structure considérablement son identité. De la place dans la société aux opinions et préférences ce n’est probablement pas la même chose d’être institutrice, plombier ou radiologiste. Et le degré d’influence du métier sur l’identité et la structuration sociale (on pourrait parler d’habitus pour les « bourdieusiens ») n’est certainement pas le même pour toutes les professions. Certains métiers – les policiers sont un exemple souvent cité au même titre que les médecins – semblent avoir une influence considérablement plus forte sur l’identité que d’autres. Faites un tour dans le cimetière du Mont-Royal et ce sont presque seulement des juges, des médecins et des militaires qui poussent l’attachement à leur identité professionnelle jusqu’à la faire graver sur leur tombe. Il faudrait beaucoup de mauvaise foi pour ne pas reconnaitre qu’il existe une identité professionnelle forte au sein de la profession médicale (et en lisant les commentaires en réaction à cet article on trouve de beaux exemples).

Si on accepte qu’il existe une reconnaissance entre pairs, une sorte de solidarité professionnelle ou une structuration professionnelle de l’identité (on pourrait ajouter une convergence des habitus) alors il n’est probablement pas absurde de suggérer que « les docteurs » constituent une réalité sociologique. Pas une réalité simple ni homogène qui attribue à tous ceux dotés d’un MD derrière leur nom un ensemble net et déterminé de caractéristiques, mais une réalité quand même.

La seconde question – politique – est la suivante. Est-ce que le fait de reconnaitre qu’il existe une structuration professionnelle sociologiquement significative d’un groupe d’individus est suffisant pour attribuer à ce groupe une action politique collective ? Il existe bien sûr des organisations formelles – les fédérations sont l’exemple le plus simple – dont le mandat est la défense des intérêts du groupe démographico-légal « des docteurs ». Mais la question posée est plus complexe. Est-ce qu’il existe un « pouvoir médical » qui va au-delà de l’action politique institutionnelle de ces groupes ? Par exemple, est-ce que, « les médecins » de par une convergence individuelle sur certaines opinions et préférences exercent une influence politique identifiable et attribuable au groupe sociologique ? La réponse dans plusieurs traditions de recherche est oui (et pour juste une cennes, amazon vous en vend un échantillon).

On peut rendre la question plus concrète en l’illustrant. Si par rapport à une option politique – changer le mode de rémunération des médecins au Québec par exemple – la majorité des médecins ont des préférences fortes et convergentes qui s’expriment tant individuellement que par le biais d’une foule d’organisations avec un mandat de représentation ; est-ce que ça permet de dire que « les médecins » défendent l’option X ? Et si, dans la défense de ces préférences, les actions posées sont d’une efficacité politique telle que – systématiquement et de manière prévisible – le groupe fait prévaloir ses préférences devant celles d’autres groupes, est-ce cela veut dire qu’il existe « un pouvoir médical » ?

Les processus d’objectivation en cause, tant dans la constitution du groupe « des docteurs » que dans l’attribution de préférences et d’un pouvoir politique à ce groupe, ne seront jamais ni simples ni neutres. Défendre que les médecins sont des individus indépendants et qu’il n’existe ni groupe ni pouvoir collectif est une action politique, au même sens que de défendre, à l’inverse, que « le pouvoir médical » empêche ou produit quelque chose. Se référer à ces construits est une prise de position dans un jeu de pouvoir – sociologique et politique – auquel il est difficile d’échapper. En utilisant un terme ou un concept, on contribue à le faire exister sociologiquement et à le rendre politiquement efficace. Quand est-ce que l’on décrit le monde et quand est-ce que l’on construit la réalité que l’on prétend décrire ? Et est-ce que de ne rien dire est plus approprié que de tenter de décrire ?

Ce ne sont pas des questions simples et personne ne peut prétendre détenir une réponse indiscutable. Par contre, dans les interventions publiques de la Chaire, il y a un effort sincère de comprendre les jeux de pouvoir sous-jacents à l’utilisation des termes employés et de ne pas en jouer de manière opportuniste. La prise de parole y cherche à changer le monde par le biais d’un éclairage cohérent de son fonctionnement. Les efforts autocritiques pour objectiver l’objectivation ne donnent pas accès à une vérité simple et universelle mais elles ont plus de potentiel que le déni ou la participation naïve aux jeux en cause.

Sur l’institution médicale (qui n’existe pas ?)

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Le 6 mars 2016, la Chaire Pocosa organisait à la librairie Le port de tête une discussion sur le pouvoir médical et ses rapports au politique (particulièrement serrés au Québec) et à la société.

Damien Contandriopoulos animait la discussion entre deux médecins de famille :

  • l’un, Marc Zaffran, formé en France où il a pratiqué pendant de nombreuses années et auteur de romans (sous le nom de Martin Wincler) ;
  • l’autre, Isabelle Leblanc, formée au Québec où elle pratique en UMF ; elle est également présidente du collectif Médecins québécois pour le régime public (MQRP) qui s’engage à faire entendre une voix politique indépendante des positions institutionnelles représentant « les docteurs ».

Voici un premier extrait de cette discussion qui s’est poursuivie avec les personnes présentes à la librairie ce soir là.

 

Les infirmières praticiennes : des canaris dans la mine du système de santé

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Damien Contandriopoulos raconte  – de façon imagée – un article à paraître dans la revue scientifique Health Policy :

Nurse practitioners, canaries in the mine of primary care reform.

Auteurs de l’article

Damien Contandriopoulos,
Astrid Brousselle,
Mylaine Breton,
Esther Sangster-Gormley,
Kelley Kilpatrick,
Carl-Ardy Dubois,
Isabelle Brault,
Mélanie Perroux.

Mise à jour des données sur l’action de SABSA

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Le 21 avril 2016, l’Équipe ESPI finalisait la mise à jour des données de son rapport préliminaire sur la Coopérative de solidarité SABSA.

MISE A JOUR AVRIL 2016 DONEES SABSAAu regard de ces données consolidées, l’équipe de chercheur-e-s ESPI persiste à affirmer que :

1- la Coopérative de solidarité SABSA ne constitue pas un réseau parallèle qui multiplierait inutilement sur un même territoire les points d’accès au réseau public ;

2- Si SABSA devait fermer ses portes, le cout économique, sanitaire et social serait considérable ;

3- SABSA constitue au contraire un point d’accès spécifiquement adapté pour des patients que le réseau ne parvient pas à rejoindre au niveau de la première ligne. En colmatant cette brèche, la coopérative permet d’éviter que des patients vulnérables ne bénéficient d’aucuns soins et/ou n’accèdent au réseau public de santé et de services sociaux par ses points les plus achalandés et les plus couteux (urgences notamment).

Fermer SABSA, c’est fragiliser un quartier, ses habitants et plus largement la capacité du réseau à déployer une prise en charge riche et adaptée aux besoins de la population du Québec.

En suivant des milieux innovants, le projet de recherche ESPI espérait pouvoir faire de la recherche « avec et pour les gens », et la promouvoir de telle sorte que cette recherche soit utile pour eux. Malheureusement, il semble que, dans le contexte politique actuel du Québec, ce type de démonstration que produit la recherche peine à jouer un rôle efficient pour soutenir des actions qui, sur le terrain, vont dans le sens d’une amélioration de l’accès et de la pertinence des soins. Il  faut cependant continuer ce travail indispensable pour armer l’espoir que les choses puissent changer. Et les choses peuvent changer. Bravo à SABSA !

 

 

 

 

Apologie de l’ignorance

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Au cours des derniers mois, nous avons publié ici plusieurs entrées de blogue sur les risques, les défis et la justification de faire de la recherche en terrain « politiquement sensible » Cette semaine j’ai eu l’occasion de faire des travaux pratiques.

Quelqu’un, probablement un journaliste, a fait une demande d’accès à l’information auprès du Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE). Cette demande a donné lieu à la mise en ligne de la correspondance que les deux Fédérations médicales ont adressée à plein de gens à propos de ma participation dans un projet de recherche sur le lien entre le mode de rémunération des médecins et la performance du système de santé.

Cette correspondance (ici et ) est une lecture à la fois éclairante et déprimante. Elle éclaire en ce qu’elle rend visible la manière dont les Fédérations conçoivent la recherche et interviennent sur le plan institutionnel pour exercer leur pouvoir. Elle déprime en ce que plusieurs éléments mis de l’avant dans ces lettres sont d’une bêtise – réelle ou simulée – qui sape l’espoir que les politiques de santé du Québec évoluent à court terme vers plus de transparence et de rationalité.

Deux éléments me semblent mériter d’être discutés. Le premier est la totale incompréhension du fonctionnement des institutions scientifiques que les Fédérations semblent avoir. Elles trouvent mes prises de position – à titre de chercheur – inconvenantes et semblent considérer que ceci est un motif tout à fait suffisant pour demander à ce que l’on me retire la subvention qui venait d’être octroyée à l’équipe avec laquelle je travaille. Elles écrivent donc une lettre au Commissaire avec copie au scientifique en chef du Québec (rien de moins) et (tant qu’à y être) au ministre de la Santé, pour demander à ce que l’on m’écarte du projet. Elles citent, à titre de justification, le fait que j’ai déjà publié un article dans une revue révisée par les pairs qui intègre une conclusion qui leur déplaît. Ceci me semble plein de bon sens. Comment imaginer, en effet, vivre dans un monde dépravé au point qu’un syndicat ne puisse demander au ministre de priver de subventions un chercheur qui pousse l’outrecuidance jusqu’à publier des résultats qui ne lui conviennent pas. Il y a quelques années je suppose que c’est une lapidation publique qui aurait été exigée, mais que voulez-vous, les traditions se perdent.

Visiblement les concepts d’indépendance de la recherche (les subventions ne sont pas accordées de manière discrétionnaire, mais sur la base de la qualité scientifique du projet et de l’équipe), de comités de pairs (la qualité de la recherche est évaluée par d’autres experts dans le même champ) et de liberté académique (les universitaires ont le droit de poser des questions et de tenter d’y répondre même quand ces questions dérangent) leur sont parfaitement étrangers. Il est quand même admirable que des médecins – professionnels que l’on aimerait penser bien au fait des pratiques scientifiques – comprennent aussi mal le fonctionnement de la science.

Toujours sur ce thème, il y a une apologie de l’ignorance intéressante dans l’argumentaire des Fédérations. Ainsi, selon elles, avoir une opinion, même une opinion d’expert, fondée sur des travaux scientifiques antérieurs est un « biais ». Un biais suffisamment grave pour que cela empêche le chercheur affligé de cette horrible tare d’avoir déjà étudié le sujet, de pouvoir par la suite y comprendre quoi que ce soit. Selon cet original point de vue, la recherche devrait donc toujours être conduite par des gens qui ne connaissent rien au sujet. Des gens qui ont la grâce de n’avoir aucune espèce d’avis sur la question. Pour mon prochain projet de recherche, j’hésite donc entre une évaluation de la composition des neutrinos ou une analyse comparative de la pensée de Heidegger et de Nietzsche sur la conscience de soi…

Le second thème qui mérite d’être relevé est le recours à la censure comme stratégie politique. Si on se fie à leur correspondance, les Fédérations n’ont que faire du débat et du dialogue. On peut être d’accord avec elles ou bien se taire. Mais contredire leur doxa est considéré comme un affront inadmissible qui justifie la censure de ces voix hérétiques. Elles ont ainsi pris la peine d’envoyer, confidentiellement, des lettres extrêmement négatives à mon endroit à des gens qui ont potentiellement une influence sur mes travaux de recherche (comme le PDG de la RAMQ ou le Scientifique en chef du Québec qui est à la tête des trois Fonds de recherche de la province). L’objectif parfaitement explicite de ces lettres est de contribuer à compliquer la réalisation de mes travaux de recherche présents et futurs.

Pour ce faire, le moyen choisi est l’attaque ad hominem. Les Fédérations ne sont pas dans un débat d’idées elles sont dans une logique d’attaques personnelles. Ce ne sont pas des opinions, des avenues politiques ou des théories qu’elles vont prendre à partie ce sont des gens. Ce ne sont pas tant les idées que j’ai pu défendre qui sont attaquées, mais moi comme personne et comme chercheur (et là-dessus je suis très curieux de savoir ce qui pouvait se trouver dans les passages caviardés). Pour défendre leur amour inconditionnel du statu quo, elles vont attaquer les gens qui se demandent si on ne pourrait pas faire différemment.

Ce qui est ennuyeux c’est que la crédibilité d’un scientifique est un outil central à son travail. Le respect des pratiques scientifiques et le sérieux des efforts pour contrôler les biais sont le cœur de l’éthique professionnelle d’un chercheur. Un scientifique qui n’aurait pas, comme principes fondamentaux, la recherche de la vérité et le respect des faits serait un imposteur. En essayant de me discréditer sur ces plans Fédérations cherchent à tuer des idées en s’en prenant au messager. L’idée est simple, le principe vieux comme le monde, mais diablement efficace. Et quand on est le messager en question, il est aussi un peu désagréable de se sentir victime collatérale. Comme le chantait Brassens, « mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente… » de préférence.

Si on en revient au fond de la question, un des objectifs principaux de la Chaire est de contribuer à augmenter l’influence des résultats scientifiques dans les pratiques, les décisions et les politiques de santé. Nous jouons donc, par définition, dans des plates-bandes « politiquement sensibles ». Et l’ambition est d’apprendre du processus, de nos réussites et de nos erreurs. À ce titre la lecture de la correspondance des Fédérations contribue à nous permettre de mieux comprendre les règles du jeu et je suppose que ça mérite un merci. Et maintenant on sait que vous lisez notre blogue. :-)

Damien Contandriopoulos

 

Un appel de L’infirmier.ère Radical.e

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« Nous sommes près de 74 000 infirmiers et infirmières au Québec. Le 4 mai, faisons-nous entendre! »

 

 

 


Discussion publique Pocosa, le 19 mai 2016

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Réseau de la santé du Québec en 2016 : entre culture de la procédure et stupidité fonctionnelle

 

5 à 7 (entrée gratuite et ouverte à tout le monde)

Bar-salon de la Cinémathèque québécoise, 335 Boulevard de Maisonneuve Est, Montréal.

 

Visitez la page Fb de l’évènement.

 

Invités

  • Carole Trempe, Présidente directrice générale de l’Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux.
  • Paul Lamarche, Professeur honoraire en administration de la santé à l’Université de Montréal, Paul Lamarche a été fonctionnaire au MSSS tant sous des gouvernements péquistes que libéraux, de 1977 à 1982 puis de 1986 à 1992. Entre autres mandats, il a été sous-ministre responsable de la réforme sous les ministres libéraux Thérèse Lavoie-Roux puis Marc-Yvan Côté.
  • Natalie Stake-Doucet, Inf., MSc (A), Candidate au doctorat, Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal. Elle est la cofondatrice du groupe Infirmières de McGill pour une Politique en Santé (McGill Nurses for Healthy Policy).
  • Isabelle Têtu, Inf., cofondatrice de la Coopérative de solidarité SABSA.

Modérateur

Damien Contandriopoulos, professeur, Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal ; chercheur, IRSPUM ; titulaire de la Chaire Pocosa.

 

Réflexion de départ

Le système sociosanitaire québécois fait plus que jamais face à des défis importants. Malgré de multiples réformes, sa performance reste faible sur plusieurs plans, en particulier en ce qui a trait à l’accès et à la coordination des soins. Par ailleurs, les effets des transitions démographiques se font sentir de façon de plus en plus aiguë. Finalement, le gouvernement libéral est en train d’imposer des coupes budgétaires parmi les plus intenses des 40 dernières années. Dans un tel contexte, le besoin d’innover est indéniable. Mais, les fusions structurelles de la Loi 10 et le mode de gouverne qui les accompagne constituent selon nous un frein à la capacité d’innovation du système.

Les débats sur le niveau optimal de centralisation et de hiérarchisation sont aussi vieux que le domaine de l’analyse organisationnelle. Les données montrent toutefois clairement que si le niveau optimal de contrôle hiérarchique dépend de la nature des tâches et de l’environnement organisationnel, une centralisation excessive entraîne des dysfonctions. Or, derrière le paravent d’un discours selon lequel les fusions auraient pour objectif un allégement bureaucratique, la Loi 10 constitue de fait une centralisation qui est en contradiction avec les connaissances constituées dans le domaine des sciences de l’organisation, de l’administration publique.

Simultanément, la gouverne du système de santé est en train de subir une « politisation » sans précédent. Les gestionnaires comme les professionnels doivent ainsi incorporer inconditionnellement le discours du ministre et du gouvernement et s’abstenir de toute critique. À l’instar de la fameuse phrase de Georges Bush, on est ici soit pour la réforme soit contre. Un manichéisme qui discrédite de fait tous les points de vue qui voudraient prendre en compte les dysfonctionnements – réels – du système. Il en résulte une grande difficulté à assumer une position documentée sur la gestion du bien public et la répartition des ressources qui lui sont allouées, d’autant plus quand ce point de vue contrevient à la ligne symbolique officielle.

Cette politisation de la gouverne contribue à une culture de la conformité (Chouinard 2015) entretenue par la peur qu’ont les gestionnaires d’être identifiés comme « critiques ». Ceci contribue au développement d’une logique procédurale contre-productive et souvent « fonctionnellement stupide » (Alvesson et Spicer 2012) dans laquelle les gestionnaires s’auto-imposent des œillères. La possibilité individuelle et collective d’invention et d’adaptation créative face aux problèmes rencontrés se voit paralysée par l’astreinte du travail à des tâches envisagées dans le seul cadre d’indicateurs de « performance » déconnectés de la performance réelle.

On se retrouve dans la situation paradoxale d’une gouvernance qui tout en valorisant les valeurs d’une économie de la connaissance, carburant à l’innovation et à l’émulation des pratiques du secteur privé, en vient à imposer des structures et des pratiques presque soviétiques : la « vérité politique » doit avoir préséance sur la réalité et toute mention des dysfonctionnements du système est perçue comme une trahison plutôt qu’une opportunité d’améliorer les pratiques.

  • Comment un système peut-il survivre à cette culture de la procédure qui le paralyse et se soustraire à la fabrique de sa propre « stupidité fonctionnelle » ?
  • Comment favoriser le développement de communautés de travail qui puissent s’organiser et s’émanciper de cette culture de la procédure et de la conformité ?

Ces deux questions engagent une réflexion qui emprunte à la fois aux outils de la survie – comment survivre à une crise systémique – et à ceux de la guérilla – comment fabriquer des réponses qui occupent le terrain activement et produisent à nouveau des formes d’intelligence organisationnelle.

C’est autour de ces questions que la Chaire de recherche Politiques, connaissances et santé, organise cette discussion publique pour réfléchir collectivement aux moyens de sortir du statu quo qui, dans le contexte actuel, menace d’effondrement le système de santé public.

 

 

Chasing the rainbow of interdisciplinarity in Quebec primary care

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Last Friday, several hundred health professionals met to discuss a common vision for primary health care in Quebec. The participants were mostly physicians, but several nurses, at least one health economist and medical students took part in the discussions as well. The event was hosted by the department of Family Medicine at McGill University.

Although civil and pleasant, the symposium tried to discuss a MEDICAL vision of primary care, but they had invited too many community activists, nurses and prominent health experts to remain within that reduced framework… GPs were praised over and over again as being the ‘heart’ of primary care and being the central players, but Michel Clair and Claude Castonguay made it quite clear that GPs being at the heart of primary care was actually a problem. Even if no one articulated the debate it was interesting to see it unfold nonetheless.

On the one side, several speakers discussed how other health care professionals should be used more to take a load off the shoulders of overworked physicians. This seemingly good idea unfortunately perpetuates the idea that nurses’ jobs are whatever the physician needs.

A nurse practitioner spoke and tried to explain her expertise and scope of practice. In a rather convoluted way, she explained how nursing expertise is complementary to medicine, not subordinate. She was sharing the podium with a medical student and a family physician who had literally just said that nurses can take ‘her more simple cases’, to make her life easier. The nursing role was reduced to ‘sidekick’… and that’s being very polite.

From the very first session, there was a giant elephant in the room that was never addressed. Léonard Aucoin, one of the speakers, said in his remarks that in these times of authoritative, top-down changes in health care, innovations become synonymous with delinquency. SABSA anybody? The recent events surrounding this nurse led clinic immediately came to mind as he uttered these words. Apparently, I was the only one to think of this.

The second session included a bit of an anomaly. After a speaker had thoroughly discredited the Kaiser Permanente method within a publicly funded system in the first session, here comes a reputable scientist who’d worked with them and was eager to praise it. I really wonder whether he attended the first session, because it was all rainbows and butterflies with him in KP land.

The third session included a nurse practitioner speaking alongside the family physician that I mentioned earlier. It was painful to see the NP try to defend her practice in a room full of colleagues who are blissfully unaware of her role and contribution to care. She worked hardto make sure no one (no physician I mean) would be offended by her remarks, so she just mentioned that it was ‘difficult’ at the beginning and that MDs sometimes had had a ‘hard time’ accepting her into the team. But now she’s working with 10 (yes, 10) fantastic physician partners, so all is well, except for the cutbacks.

Again, SABSA was not mentioned, except as a question from the floor during the discussion. The med student and GP preferred not to address this, so the NP answered that although she believed in its efficiency, perhaps being financed by a union decreased its credibility. Let’s not forget the FMOQ is a union as well… talking about the FMOQ:

The fourth session mentioned that it is unacceptable for a union (FMOQ) to have so much power over the model of delivery of primary care. Michel Clair explained that the regulation of primary care in Quebec essentially comes from negotiations between the Ministry of Health and the FMOQ. This, for obvious reasons, makes it difficult to keep the patient at the center of primary care when that center is already occupied by GPs, as negotiated by the FMOQ.

This fourth panel, although it made the most sense, seemed the least understood by the audience. Roxane Borgès Da Silva, a professor of nursing and researcher at UdeM explained how primary care is a collective responsibility, that inter-professionalism and inter-institutional collaboration are the way forward. Unfortunately, no one ever defined ‘interdisciplinarity’, except the family physician mentioned earlier whose ‘easy’ cases can be done by NPs… That was all we got on that magical concept of ‘interdisciplinarity’. It was almost like two conferences were happening at the same time, one based on the bio-medical model, the other on primary health care. We all use the same words, but they have different meanings.

Finally, Claude Castonguay, despite an awkward moment when he had to sit through the audience singing ‘happy birthday’, said it like it is, like he’s been doing over the last few months. He explained how he had already promoted optimizing the nursing role some 50 years ago. Ten doctors for two nurses is not a ratio that makes sense. Nurses will never work a full scope of practice in this context. As long as the FMOQ and the FMSQ are the only ones on the playing field, it will be difficult to make any meaningful change in the healthcare system. The Castonguay-Neveu report is still relevant because it’s never been implemented.

Despite certain shortcomings, the symposium reflected the changing landscape of primary care. No one mentioned SABSA, but a nurse practitioner was one of the featured speakers, which in itself speaks volumes. A few years ago, maybe even last year, a conference such as this would’ve been a homogeneous, consistent wave from beginning to end. It would’ve been a ride through primary care land with physician goggles firmly attached to our heads. This time, the lens is cracked and a different picture is seeping in. It’s unclear and fuzzy, but undeniably in our field of vision.

Discussion publique du 19 mai 2016, aujourd’hui en ligne!

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Dans la nuit du vendredi 2 au samedi 3 février 2015, l’Assemblée nationale du Québec adopte le projet de loi 10 sous le bâillon. Le ministre de la santé et des services sociaux, Gaétan Barrette, annonce alors une « nouvelle ère » pour le réseau, dont la réorganisation complète s’appuie sur une politique de centralisation qui met notamment en œuvre la disparition des agences régionales. L’objectif annoncé de ces fusions vise un allègement bureaucratique.

Un an et demi après, un climat de peur et d’intimidation envers ceux et celles qui oseraient critiquer la réforme en place s’est installé. De nombreux témoignages circulent cependant, et de façon de plus en plus ouverte en dépit des risques encourus, pour révéler des dysfonctionnements inquiétants tant sur le terrain clinique des soins et de leur accès que sur celui gestionnaire de l’administration du système. La souffrance au travail, la perte de sens et l’épuisement physique et psychologique sont devenus le lot commun des professionnels du réseau de santé et de services sociaux.

Pocosa souhaitait aller y voir de plus près en organisant le 19 mai dernier une discussion publique à partir du témoignage de quatre personnes représentatives des deux perspectives, clinique et gestionnaire.

La discussion visait à repérer des éléments de blocage systémique et les processus structurels de fabrication de formes de « stupidité fonctionnelle » que la loi 10, sans en être directement à l’origine, a pu renforcer.

Au-delà du constat critique, cette discussion avait pour objectif de trouver les moyens nécessaires à l’élaboration de formes d’intelligence collective, au réinvestissement d’une force créatrice qui permette de dépasser le statu quo de la résilience et de ses résignations. Par ce type d’activités, la Chaire de recherche Pocosa souhaite contribuer à défendre les bases d’un débat public sain et minimalement rationnel sur les options pour améliorer le système de santé.

Damien Contandriopoulos animait la discussion entre les quatre invités qui ont pu ensuite échanger avec les personnes présentes dans la salle.

En voici quelques extraits

Vous pouvez également visionner la discussion dans son intégralité

Les invités

 

  • Carole Trempe, Présidente directrice générale de l’Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux.
  • Natalie Stake-Doucet, Inf., MSc (A), Candidate au doctorat, Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal. Elle est la cofondatrice du groupe Infirmières de McGill pour une Politique en Santé (McGill Nurses for Healthy Policy).
  • Isabelle Têtu, Inf., cofondatrice de la Coopérative de solidarité SABSA.
  • Paul Lamarche, Professeur honoraire en administration de la santé à l’Université de Montréal, Paul Lamarche a été fonctionnaire au MSSS tant sous des gouvernements péquistes que libéraux, de 1977 à 1982 puis de 1986 à 1992. Entre autres mandats, il a été sous-ministre responsable de la réforme sous les ministres libéraux Thérèse Lavoie-Roux puis Marc-Yvan Côté.

Le pessimisme constructif

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Les débats sur l’accès aux soins et la rémunération des médecins au Québec ont repris ces derniers jours avec toujours la même acrimonie, mais peu d’évolution constructive au niveau des idées. Dans le but (parfaitement illusoire j’en suis conscient) de faire un peu avancer les choses, voici quelques pistes pour réfléchir à la situation actuelle.

Quatre constats (relativement) indiscutables

 

Nous sommes vraiment nuls

Les anecdotes sur les difficultés d’accès aux soins ne sont pas que des anecdotes. Le Québec présente des indicateurs d’accessibilité et de continuité d’une admirable médiocrité. La lecture des rapports du CSBE est presque drôle tant le Québec est constant dans son positionnement au bas des échelles. La dernière livraison du CSBE, sur les urgences, (« les pires urgences en occident ») est aussi une lecture divertissante dans le genre. Les Québécois sont remarquablement patients et résignés dans leurs interactions avec le système de soins, mais si vous parlez avec des gens qui ont pu voir comment ça se passe ailleurs, ils sont abasourdis par ce qu’il se passe ici.

Ce n’est pas un problème d’effectifs

Le problème n’est pas un problème d’effectifs médicaux. Le Québec a des effectifs médicaux en croissance. En fait il n’y a jamais eu autant de médecins au Québec, que ce soit en nombre absolu ou en effectifs per capita. Si on se compare à l’échelle internationale, le Québec a relativement peu de médecins par habitant, mais si on se compare au reste du Canada, le Québec se situe dans la moyenne. Aucune différence dans les effectifs qui permette donc d’expliquer l’abime entre les résultats obtenus en Ontario et la médiocrité québécoise.

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Ce n’est pas un problème d’argent

Depuis 2006, la rémunération médicale a connu une croissance qui dépasse tous les autres secteurs de dépense et qui est largement supérieure à la croissance de la richesse collective ou de l’économie de la province. Prenez les chiffres que vous voulez, si investir massivement dans la rémunération des médecins améliorait l’accès ou la qualité des soins, il n’y aurait plus aucun problème d’accès au Québec. La province investit aussi une plus grande part de son PIB dans la rémunération des médecins que le reste du Canada. La proportion des dépenses publiques de santé utilisées pour payer les médecins a rattrapé la moyenne canadienne. Finalement, en revenus à parité de pouvoir d’achat, le Québec paye mieux ses médecins que l’Ontario. Quand la FMSQ et le Dr Barrette disent le contraire, c’est probablement qu’ils regardent les graphiques en tenant la feuille à l’envers.

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Ce n’est pas un problème d’individus

Dans tout système, il y a des individus qui peuvent être plus performants à certaines tâches que d’autres. Mais dans la situation de systèmes auxquels collaborent un grand nombre d’individus et qui présentent des écarts de performance systémiques importants, la cause ne peut qu’être systémique elle aussi. Quand un ou deux étudiants coulent un cours, le problème est à chercher chez ces étudiants. Quand toute une classe coule, le problème est à chercher chez le prof ou dans le cours. La même logique s’applique à la médiocrité du Québec sur les plans de l’accessibilité, la continuité et la globalité des soins. La faute n’est pas à chercher chez les individus, mais bien dans le système.

Deux propositions pour avancer

 

La majorité des effectifs médicaux du Québec est constituée de spécialistes. 53% des médecins du Québec sont spécialistes et cette proportion est en croissance. Or, les données suggèrent qu’une nette majorité des effectifs médicaux devrait être composée de médecins de famille pour maximiser l’efficience et la performance d’un système de soins. Woups! Là encore, le Québec ne va pas dans la bonne direction.

Un peu plus de la moitié des effectifs médicaux est constituée de spécialistes mais surtout le plus gros de l’argent investi dans la rémunération médicale sert à payer les spécialistes. En 2014, c’était 69% de la rémunération qui était versée au 53% des médecins qui sont spécialistes. À l’inverse, le 47% des médecins qui sont omnipraticiens se partage 31% de l’argent.

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Bien que je n’ai pas trop d’atomes crochus avec la FMOQ, je peux comprendre leur irritation de voir leurs membres être l’objet d’autant d’attention médiatique et ministérielle questionnant leur activité alors que le plus gros problème se situe ailleurs, suivez mon regard : il y a un éléphant invisible dans la pièce du débat sur l’accès aux soins et la rémunération des médecins au Québec et c’est la médecine spécialisée… En écoutant les débats publics sur l’accès aux soins au Québec, on se demande un peu où sont les médecins spécialistes.

Premièrement, on ne pourra pas réorganiser l’offre de soins en première ligne sans profondément revoir : 1) la répartition des effectifs entre spécialistes et omnipraticiens; 2) sans revoir la répartition des enveloppes de rémunération à la fois entre spécialistes et omnipraticiens et aussi entre spécialités (où les écarts sont colossaux) et 3) il faut, ultimement, revoir la pratique médicale en établissement et la répartition des tâches et des responsabilités entre spécialistes et omnipraticiens qui y travaillent.

Deuxièmement, on se rendra nulle part en faisant plus de la même chose. Le modèle actuel de rémunération médicale est éminemment perfectible. De même, l’ensemble des facteurs structurants la pratique médicale (lien d’emploi, collectivisation des incitatifs, programmes de financement de la pratique hors établissement, etc.) doivent être examinés et faire partie du débat si on veut effectivement améliorer l’accès et la qualité des soins. Ce n’est pas en pelletant des professionnels dans les GMF sans aucune idée de leur rôle et sans plan de déploiement qu’on va avancer. Financer de grosses polycliniques même si on les qualifie de « super » n’est ni une nouvelle, ni une bonne idée. On pourrait aligner les exemples à l’infini, les interventions actuelles du MSSS et des Fédérations sont vouées à l’échec (et pas qu’un peu).

Alors y a-t-il de l’espoir ? Actuellement non. Mais s’en apercevoir serait une première étape pour changer ce diagnostic.

Damien Contandriopoulos

25 ans de transfert de connaissances : il est temps d’enlever les lunettes roses…

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Ça n’est pas que rien ne marche. C’est juste que les progrès, dans le domaine du transfert des connaissances sont – et ont été – très lents.

Les premiers temps avaient pourtant été très (trop) optimistes : on pensait alors que les techniques du TC allaient changer le monde. Mais la réalité s’est avérée plus résistante que prévu au changement ; les processus de transfert plus complexes et difficiles à contrôler. La vision super-optimiste et ses lunettes roses ont cependant persisté, et ce en dépit de l’accumulation de données suggérant que l’efficacité de l’influence du TC sur les pratiques varie de « nulle » à « très faible ». Plusieurs explications structurelles peuvent être avancées sur lesquelles la présentation de Damien Contandriopoulos revient (voir version intégrale au bas de cette page).

Nous pourrions comparer le transfert de connaissance à la quête de vérité qui motive la science : même s’il n’existe aucune méthode infaillible pour appréhender la réalité et la vérité, cette quête continue de constituer la base de la démarche scientifique. Or, cette quête de la vérité est de même nature que celle qui anime le chercheur qui veut « changer le monde » pour le rendre meilleur. Cela reste une sorte de Saint Graal. Et même si on sait peu de choses sur la manière de l’atteindre, comme chercheurs nous ne devons pas abandonner l’idée de faire de la recherche qui change les pratiques et la société. Mais il n’est pas certain que porter des lunettes roses nous permettra d’aller dans ce sens-là.

Les revues systématiques nous disent depuis 25 ans que les choses ne changent guère. Le transfert de connaissance n’est pas une recette magique – ni non plus n’en dispose. Mais il y a certains éléments qu’on peut dégager qui peuvent être utiles :

  • Prendre ne compte le politique plutôt que de tenter (vainement) d’y échapper;
  • Échapper à l’ennui auquel l’institution académique nous forme : penser le cadre et en dehors de celui-ci;
  • Adapter des stratégies plutôt que de les reproduire telles quelles, de façon purement technique.

Ici quelques extraits d’une communication donnée par Damien Contandriopoulos dans le cadre du Premier congrès national de Transfert de connaissances (TC) en réhabilitation tenu à Montréal le 19 mai 2016:

Vous pouvez visionner ici l’intégralité de la conférence :


 

*L’image est un photogramme tiré de la pièce de Johna Baldessari I Will Not Make Any More Boring Art (1971).

 

 

 

 

 

 

Appel à candidatures – Bourse de maîtrise – concours 2016

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La Chaire de recherche – Politiques Connaissances et Santé des IRSC offre une bourse de maitrise d’un an financée par la Faculté des Sciences infirmières de l’Université de Montréal pour soutenir un projet de recherche portant sur des modèles innovants de soins en première ligne et/ou l’élaboration de politiques de santé qui soit pertinent avec le mandat de la Chaire de recherche.

– Montant de la bourse : 15 000$
– Dépôt du dossier : 30 septembre 2016
– Annonce des résultats : 7 octobre 2016
– Début de la bourse : 1er novembre 2016
 

Conditions d’admissibilité

 

  • Être inscrit(e) à temps plein à la maitrise à la Faculté des Sciences Infirmières de l’Université de Montréal;
  • Être dirigé(e) ou co-dirigé(e) par le titulaire de la chaire, Damien Contandriopoulos;
  • S’engager à participer aux activités scientifiques de la Chaire de recherche Politiques Connaissances et Santé.

Documents à présenter

(Les demandes peuvent être présentées en français ou en anglais.)
 

  • une lettre de présentation (maximum 500 mots) indiquant votre cheminement académique, vos perspectives de carrière et comment vos préoccupations de recherche sont reliées aux thématiques présentées dans l’appel de candidature;
  • un résumé de votre projet de recherche (maximum 500 mots hors bibliographie);
  • un curriculum vitae comprenant : études et diplômes obtenus, bourses, distinctions et prix obtenus, publications, communications et expérience de recherche le cas échéant;
  • les relevés de notes officiels pour vos études universitaires;
  • une lettre de recommandation (provenant de votre directeur de maîtrise le cas échéant);
  • une preuve d’inscription en maîtrise auprès de la Faculté des Sciences Infirmières de l’Université de Montréal.

Critères de sélection

 

  • Excellence du dossier académique
    – bourses et distinctions;
    – communications et publications;
    – expérience en recherche et stage de formation.
  • Qualité du projet
    – clarté des objectifs;
    – pertinence de la méthodologie;
    – originalité du projet et convergence avec les travaux de la Chaire.
  • Qualités personnelles et professionnelles

Une version électronique des documents doit être envoyée en format PDF à Mme Mélanie Perroux.

Les dossiers incomplets ne pourront pas être étudiés.

La participation démocratique dans le réseau de la santé et des services sociaux : une gestion sans contre-pouvoir

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Récemment (du 9 au 14 août 2016), se tenait à Montréal la douzième édition du Forum social mondial. Ce rassemblement, dont la première édition remonte à 2001 initiée au plus fort de la mouvance du courant altermondialiste dans la volonté de faire contre-poids au Forum économique mondial tenu chaque année à Davos, a pour objectif « d’alimenter une dynamique positive de changement ». Il s’agit de permettre à des personnes des quatre coins du monde (quand ils obtiennent leur visa pour entrer au Canada ce qui n’a vraisemblablement pas été le cas pour la majorité des participants étrangers [1] cette année) de se rencontrer pour échanger et discuter de pistes et d’actions qui contrecarrent la seule logique néo-libérale.

Nous avons à Pocosa assisté à plusieurs ateliers portant sur le système de santé et services sociaux québécois, et notamment celui-ci intitulé « La participation démocratique en santé et services sociaux : état des lieux et perspectives », organisé par une centrale syndicale (ce qui était également le cas des autres ateliers qui servaient donc autant à analyser et décrire la situation actuelle qu’à promouvoir les actions de syndicats sur le terrain).

Dans le cadre de cet atelier, l’animateur et les trois invités, (quatre messieurs, ben coudonc, heureusement que « DéciderEntreHommes @Nosdecideurs » avait le dos tourné), Michelle Venne de l’INM, Guy Laurion (FSSS-CSN) et Jean Sébastien Dufresne (MDN : Mouvement pour une démocratie nouvelle), ont présenté chacun un état des lieux du réseau de santé et de services sociaux dans cette perspective de la participation citoyenne au sein des instances décisionnelles du réseau.

Le tableau qu’ils dressent est assez inquiétant. Il vient confirmer ce que nous avions déjà relevé à l’occasion de notre activité publique du 19 mai à savoir que le réseau est pris dans un étau qui en menace le fonctionnement : une gestion détachée des territoires d’appartenance locale et arrimée à une fétichisation de cibles arbitraires qui produit une stupidité fonctionnelle systémique aux effets dévastateurs.

Selon Michel Venne, cette gestion s’enracine dans un programme politique qui n’est pas récent: « Ça n’est pas Barrette le problème ». Venne rappelle les étapes du changement progressif qu’a connu le modèle québécois – cette fameuse société distincte où, historiquement l’état joue un rôle important mais en collaboration avec la société civile. Or, depuis le début des années 2000, ce modèle s’effrite. Les réformes récentes du parti libéral, et en particulier la Loi 10, entérinent cet effritement en opérant une coupe à blanc dans les instances représentatives. Ainsi, en même temps qu’elles réduisent le nombre d’établissements, elles éliminent également les différents paliers organisationnels locaux et régionaux (fusions) et font disparaitre les mécanismes de concertation qui permettent à la population d’avoir un droit de regard, sinon une voix, dans la gestion des affaires en matière de santé. Les dispositifs de contre-pouvoir politique sont abolis, et le citoyen transformé en usager qui peut bien être « partenaire » de sa trajectoire clinique mais en aucun cas participer à l’élaboration des objectifs de l’État.

2002 2015
350 établissements,

5000 administrateurs

1400 représentants de la population présents sur des forums

forums de consultation via les régies régionales

34 établissements

680 administrateurs

0 représentants de la population

 

Guy Laurion a exposé certains chiffres qui signalent cette érosion « absolue » de la représentation citoyenne alors même que la nécessité de conserver au citoyen une place dans les structures du réseau est inscrite dans la Loi sur la santé et les services sociaux [2].

Ce démantèlement de la représentativité s’opère à deux niveaux : il est mis en œuvre directement par cette disparition des instances participatives mais il est renforcé par l’échelle gestionnaire qu’impliquent ces fusions, soit une gestion déconnectée du terrain, dégagée de toute logique de proximité. Avec des prises de décision qui peuvent se faire à 200 ou 300 km d’une communauté réelle, la loi 10 entérine la déconnection des communautés d’avec leurs institutions. Cette mise à l’écart du jugement citoyen se redouble de celle du jugement des professionnels de santé et de services sociaux dont l’imputabilité n’est plus orientée vers la communauté mais vers l’État en relation avec des objectifs de résultats fixés par ses fonctionnaires.

Michel Venne fait un retour instructif sur cette gestion par résultats, qui encore une fois n’est pas propre aux libéraux ni nouvelle, bien qu’on continue à la nommer « nouvelle gestion publique » :

« Cette vision de l’administration publique, de ce que devait être un état, on l’hérite des années 80 (…) il y a des indicateurs de résultats établis par la technostructure et les gens sur le terrain doivent se conformer à ces attentes définies de façon technocratique. C’est une manière de gérer… est-ce que c’est la façon la plus adaptée de gérer un système d’éducation ou de soins? (…)

Lorsque que la conception qu’on se fait d’un État correspond à l’idée d’une grande machine de services où des personnes occupent des fonctions et définissent des objectifs et des indicateurs de résultats et qu’ il y a des personnes sur le terrain pour atteindre ces résultats là, vous n’avez pas besoin de démocratie, vous avez besoin juste d’experts qui définissent les attentes, vous avez besoin d’exécutants sur le terrain qui font ce qu’on leur dit de faire d’en haut, donc selon un mouvement top-down, et vous avez besoin de gens qui contrôlent ce qu’il se passe sur le terrain en vérifiant si effectivement on fait ce que on vous a dit de faire ».

Cette conception du rôle de l’État, vu comme une grande machine, devient simpliste et inadaptée dès que les missions se complexifient et risque ainsi de soutenir la stupidité fonctionnelle (puisque pour fonctionner, il n’est pas recommandé de faire preuve de jugement critique). Elle est aussi une grande fabrique d’impuissance : le pouvoir de l’État (en aucun cas affaibli en régime néolibéral) détruisant la possibilité réelle, effective des citoyens à influencer son programme. C’est là le cheval de bataille de Jean-Sébastien Dufresne, qui fait de la réforme du mode de scrutin « l’enjeu des enjeux ».

La littérature sur la décentralisation et la participation montrent que sur le long terme il y a un mouvement de balancier entre décentralisation et contrôle. Aucun doute que le Québec est actuellement dans une phase de contrôle et centralisation plus poussée que jamais. Or, si les mécanismes de participation et de concertation citoyenne sont démantelés et que la culture électorale ne permet pas de faire entendre de vraies alternatives, comment pouvoir espérer une mobilisation de la population convaincue d’avance de son impuissance? Le programme de cette nouvelle gestion publique qu’applique avec un zèle destructeur le gouvernement actuel, est d’autant plus pernicieux qu’il dénature le système public par cette gestion éloignée du bien commun. Il redouble ainsi le sentiment d’impuissance : à quoi bon se battre pour sauver un navire qu’on veut couler ? Comment constituer une force malgré tout ? Ici, à l’occasion de cet atelier, pas de réponse miracle, plutôt des injonctions à la persévérance (« ne nous décourageons pas »)… En mai dernier, Paul Lamarche avait de son côté peut-être trouvé les mots pour nourrir un élan en encourageant des formes « délinquantes » de micro-organisation locale qui échappent autant aux interdictions formelles (faire tout ce qui n’est pas formellement interdit) qu’aux grands appels à mobilisation répétés et déceptifs. Nous pensons que la possibilité de contre-pouvoir peut passer par ces modalités d’organisation locale.


[1] http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2016/08/08/003-forum-social-mondial-montreal.shtml

[2] [Voir premiers articles de cette loi qui prévoient : 1) d’assurer la participation des personnes et des groupes qu’elles forment au choix des orientations, à l’instauration, à l’amélioration, au développement et à l’administration des services; et de 2) favoriser la participation de tous les intervenants des différents secteurs d’activité de la vie collective dont l’action peut avoir un impact sur la santé et le bien-être].

 

Les photographies en en-tête montrent le projet Playground initié par le programme Opportunities for youth, ici en action à Pointe-Saint-Charles, en 1972, dans la construction collective d’un terrain de jeu.


Values, politics and evidence in the trial of Day vs Bc gov.

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The legal battle between Dr. Brian Day’s Cambie Surgery Corporation and the British Columbia government on the issue of allowing private funding for medical care began September 6th 2016 in the BC Supreme Court. This is an important case which could have deep-reaching impact on the way health care is funded in Canada and the rules about who pays what, and who gets treated, when.

Over the next months – and likely years – the trial and its potential impact will be abundantly commented. Pundits on both sides will try to win the public opinion battle and in the process we will hear and read plenty of rhetorical tricks and overinflated pathos as well as highly selective examples from other jurisdictions used as shortcuts to escape tough technical debates. It might then be timely to discuss what this case is really about.

First, this legal case is about the way we fund health care in Canada, not about the way care is provided and this distinction is central to keep in mind. Throughout the country, physicians are overwhelmingly private entrepreneurs who have a great deal of liberty in their practice. Moreover, technological developments make it possible to offer a growing portion of care outside of hospitals. Because of this, private clinics paid by provincial plans contribute a growing proportion of the care offered. Overall, the rhetoric about unjust restrictions on the private delivery of care (and the marvellous efficiency of the private sector) are nothing but one of the many straw men in this debate.

Overall, the rhetoric about unjust restrictions on the private delivery of care (and the marvellous efficiency of the private sector) are nothing but one of the many straw men in this debate.

 

Even when it comes to private funding, the restrictions in place are far from drastic. For example, doctors in Canada can decide to work outside of Medicare, and in most provinces treat whoever they want for whatever they may have and bill them the amount they wish. There is nothing that forbids private practice. Even for doctors working within Medicare, depending on their province and specialty, a significant portion of their practice can be paid-for either privately or through para-public insurance. What Dr. Day and his co-plaintiffs want isn’t about allowing or not private practice but rather about removing some of the few – but highly important – constraints on what doctors are allowed to bill to whom.

What Dr. Day and his co-plaintiffs want isn’t about allowing or not private practice but rather about removing some of the few – but highly important – constraints on what doctors are allowed to bill to whom.

 

Specifically, the Cambie clinic case is about allowing doctors to bill both provincial health plans and patients at the same time, permitting doctors enrolled in provincial health plans to also sell medically necessary services in the private sector, and allowing the sale of private insurance to cover such fees. This would undoubtedly bring more money in the system and increase the total health expenditures. But in their day to day, most people don’t really care about provincial or national total health expenditures (although they should, as any good macro-economist will tell you). What people do care about is access to care when and where they need it.

This brings us to the second important element in this case. The relationship between an increase in the amount of money invested in health care and actual access to care is all but obvious. This may be counter-intuitive but whether you compare countries or provinces that spend a lot with those that don’t or whether you look at time trends within provinces, pouring more money in the health care sector does not mechanically improve care or access to care. The real question is then whether allowing more private money to flow in the current provincial health system would actually improve access.

This is a surprisingly tough question and one should be wary of anyone providing a simple and neat answer. Private funding poses obvious equity issues, although sophisticated public regulation of private insurance can dampen most of it (as most European insurance systems show). In terms of public debate, however, as soon as the discussion reaches the shore of the relative merit of the various policy instruments used to regulate the health care system, there is no way to escape a complicated, jargon-laden technical debate that will bore almost any ordinary person out of their minds. Incidentally this is usually when throwing a few cherry-picked examples from abroad in the debate, as if they proved anything, usually closes the discussion.

How can we, as a society, have an intelligent and informed debate on the way we want to regulate health care funding?

In our view, this is one of the core challenge of the debate spurred by the trial. How can we, as a society, have an intelligent and informed debate on the way we want to regulate health care funding? The starting point here is about values. What criteria should influence decisions about who pays what and who gets treated when? Then how to coherently link those values-laden choices with funding regulation policy. Those are important matters. This case could threaten the survival of the Canada Health Act as we know it. If things go sideways,a devastating blow could be dealt to the Canadian ideal of providing universal coverage for care.

The fact that such an important social and technical debate is going to be arbitrated by the judicial system is a testament to the political failure of both provincial and federal governments in keeping laws and regulations in line with rapidly evolving technology and expectations. And though it should have been done before, it is still time to have a debate focused on values and evidence rather than wait for the Supreme court to formulate our health policies.

Apprendre du système de santé cubain : faire plus avec moins

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Philippe Couillard a récemment dirigé une visite commerciale pour soutenir les exportations du Québec vers Cuba, convaincu du sens naturel à donner au circuit des richesses entre les deux pays. Nous suggérons qu’il serait judicieux d’inverser les termes de ces échanges et d’importer par exemple de Cuba des leçons quant au mode opératoire de son système de santé, régulièrement montré en exemple.

Si on parle de « miracle cubain » c’est qu’en dépit d’un niveau de dépenses de santé très bas (environ 603$US par habitant en 2013, contre les 5718$US par habitant pour le Canada), Cuba réussit à atteindre des indicateurs de santé qui approchent et parfois dépassent ceux d’un pays riche. La recette de ce miracle est assez simple et consiste à investir en priorité les ressources disponibles là où leur influence sur la santé de la population est la plus grande. C’est-à-dire, en gros, faire le contraire de ce qui est fait avec une belle constance au Québec depuis des années.

L’organisation du système de santé cubain s’aligne directement avec les lignes directrices de l’OMS/OPS : une approche globale de la santé centrée sur la famille et la communauté (plutôt que sur l’individu) qui prennent en compte aussi bien les déterminants sociaux qu’environnementaux ; une médecine de proximité avec le déploiement sur le terrain de professionnels de santé accessibles ; une importance accordée à la prévention et au développement d’une litéracie populaire en matière de santé. La santé n’est pas perçue comme un ensemble de maladies que l’individu peut développer et qu’on doit traiter bon an, mal an mais comme un élément premier de la vie même et, à ce titre, une priorité publique et sociale.

Depuis les années 80, le régime a porté une attention forte aux soins primaires, devenus la colonne vertébrale du système de santé publique cubain, en instaurant un système de dispensaires de quartier (les consultorios) fonctionnant sur la collaboration étroite d’une équipe de médecine familiale (Programa del Médico y la Enfermera de la Familia, MEF) composée d’un médecin et d’une infirmière, vivant sur place, leur travail s’organisant entre les visites à domicile dans le quartier et les consultations au consultorio.

Ces consultorios (presque 11000 pour tout le pays) sont répartis selon un découpage territorial d’areas de salud (450), chacune regroupant une centaine de familles. En deuxième ligne, des cliniques (policlinicos) assurent le suivi des dossiers des familles de plusieurs consultorios par le biais d’une équipe multidisciplinaire (Equipo basico de salud [1]) qui se réunit chaque mois pour faire le point sur la communauté à sa charge. Les soins et services de ces polycliniques s’étendent sur un éventail très large, du soin de base à des soins beaucoup plus spécialisés et toujours dans une perspective de santé globale (on soigne ici de la tête aux pieds pour reprendre les mots d’Isabelle Têtu décrivant sa pratique à SABSA) : on y trouve ainsi des services en santé mentale, d’obstétrique, de pédiatrie, d’optométrie, de traumatologie, d’urgences dentaires en plus de la prise en charge des maladie chroniques etc.

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Consultorio #4, Area de salud Plaza de la Revolución, La Havane.

Depuis 2002, les polycliniques ont connu un virage avec l’abandon du modèle unique qui uniformisait leur champ d’action sur l’ensemble du pays. Afin de mieux répondre à la situation sanitaire spécifique de la communauté qu’elles accompagnent, la composition des équipes se fait dés lors en fonction des problèmes particuliers de celle-ci et de son territoire.

Ce modèle communautaire de soins de proximité adapté à la spécificité sociale d’un quartier est très proche de ce qui animait au départ et dans sa conception le modèle des CLSC au Québec. La commission Neveu-Castonguay qui en traçait les principes prévoyait en effet de remplacer l’hôpital comme réponse centrale aux besoins de santé par ces unités de soins et services intégrés avec la mission de répondre aux besoins d’une population déterminée. Mais quelque chose s’est perdu en chemin, non pas que le modèle ait été mal conçu, ou qu’il y aurait une fatalité inhérente au service public dans son inadaptation à répondre aux besoins de la population, comme pernicieusement les responsables de sa mauvaise gestion qui en programment l’échec le laissent entendre. Quelque chose a manqué et il ne s’agit pas uniquement de ressources matérielles, l’exemple cubain le démontre assez cruement.

Mais justement à quoi tient cette exemplarité ? Le modèle de santé cubain s’appuie sur l’opérationnalisation à large échelle du droit à la santé pour tous. Cette politique s’est étendue à l’ensemble du territoire de l’île dans un quadrillage serré de services proches des communautés rurales et des quartiers ; le manque de ressources matérielles compensé par la formation et la répartition intensives de ressources humaines. Le système de santé public cubain relève donc à la fois d’une réponse très largement étatique et homogène qui s’est traduite dans une approche globale et non sectorisée de l’organisation intégrée d’unités « organiques » et locales. Il s’agit de prendre en charge non seulement le corps individuel dans son entier mais de le considérer en relation avec la famille et la communauté. Ce modèle permet d’offrir des soins mieux adaptés au terrain et aux besoins, contrairement à ce que nous connaissons et subissons ici au Québec.

Le Québec s’obstine ces temps-ci à investir massivement dans une médecine conçue de manière étroite, hyper-spécialisée, et terriblement chère. Ces investissements se font au détriment de notre capacité collective à investir dans une approche plus compréhensive de la santé et de tous ses déterminants qui permettrait de maximiser nos ressources pour le bien être de la population. C’est comme si le Québec avait adopté en santé le célèbre motto des chauffeurs d’autobus de la STM : « on avance par en arrière ». Encore tout récemment, le dernier rapport annuel de la protectrice du citoyen signifiait sa grande inquiétude quant aux impacts des dernières réformes (Loi 10 en tête). Son enquête révèle à cet effet un écart grandissant creusé entre les besoins de la population et l’offre de services, et dénonce les impacts négatifs d’une bureaucratie (vécue par les citoyens comme un adversaire) sur la capacité du système à s’adapter et à répondre « aux besoins hors normes, pourtant prévisibles et de plus en plus fréquents »[2].

Et si au lieu de se limiter à voir Cuba comme un marché où nos détaillants d’électroménagers usagés peuvent déverser leurs surplus, on faisait l’effort de voir ce que les Cubains ont réussi à faire et que nous échouons si lamentablement à réussir depuis des années…

 


[1] Le pays compte 800 de ces équipes multidisciplinaires.

[2] P.7 du rapport.

Le monde cauchemardesque du No logo (*selon JTI-Macdonald)

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JTI-Macdonald – une compagnie membre du Groupe de sociétés JTI, l’un des principaux fabricants de produits du tabac du monde qui exerce ses activités dans plus de 120 pays – a lancé récemment une campagne pour réagir à la soumission publique de l’Agence canadienne de santé publique. Cette soumission vise à étudier la possibilité d’un règlement sur le packaging des produits du tabac qui contraindrait les compagnies à neutraliser leur paquet : il n’y aura plus de couleur, plus de logo, nada.

La compagnie, réagissant au péril liberticide, réplique contre la menaçante ambition de ce projet. Un site web, une page facebook, un compte twitter et une campagne publicitaire, rien de moins pour alerter la population de l’avenir oppressant qui l’attend si on prive les cigarettiers du droit inaliénable d’imprimer leurs logos sur les paquets, dernier bastion de la liberté d’expression.

Le site web intitulé « Argument (it’s always best to see both sides) se présente comme une consultation publique « argumentée » sur ce règlement du packaging du tabac. Évidemment cet équilibre des arguments est une illusion et des both side on voit surtout celui de JTI. Si le visiteur est sollicité pour envoyer son avis au premier ministre canadien et relayer dans les réseaux sociaux ses positions, il est assez clair qu’on présume qu’elles seront avantageusement éclairées par la mise en scène impartiale (humhum) de l’initiative qui veille au grain :

La campagne joue sur une double ligne qui cherche à tirer bénéfice de deux rôles antagoniques : celui de la victime (« Brands aren’t at fault, stop blaming them » [1]) et du protecteur (« Brands are the consumers’ cue for quality and consistency. Take brands away and it merely makes them seek out an alternative »).

clopes-balles

Pauvres marques mises à mal injustement alors même qu’elles nous garantissent un monde à la fois plus divertissant (Peut-on manger nos gras trans frites dans des emballages le fun, rouges et jaunes si possible ?) et sécuritaire (la vente de paquets « neutres » favoriserait le trafic illégal de cigarettes et permettrait ainsi de remplir les caisses d’organisations criminelles). Parce que bien sûr les criminels sont capables de développer toute la chaine de production industrielle des cigarettes mais ne savent pas se servir du photocopieur…

Le marketing des idées est un moyen de propagande potentiellement puissant ; ce n’est pas la première fois qu’il est instrumentalisé aux bénéfices du lobby du tabac, pas la première fois non plus que celui-ci essaie activement de conserver le contrôle des données relatives à ses activités et ses effets.

La cigarette vendue comme « flambeau de la liberté » avait convaincu des millions de femmes – identifiant ce geste au signe de leur émancipation – de se mettre à fumer. C’était en 1929 et la campagne bénéficiait du génie d’Edward Bernays, son concepteur, accessoirement neveu de Freud, et c’est l’American Tobabbo Co., son commanditaire, qui profitait du bon coup.

La tentative de JTI-Macdonald de protéger le terrain de leur empire est risible dans la maladroite inversion du rapport de force qu’elle opère associant les efforts de santé publique à une menace, nous menant pieds et poings liés vers un monde dull et dangereux.

helathwarning

À en croire la photo de profil de la page Facebook de la campagne, on risquerait même de finir comme un paquet de clopes vides et sans dessein… Sauvez-nous quelqu’un!

 


[1] Citations prises sur le site.

Le soin au service de l’humain : dépasser les contraintes, développer des tactiques

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\\ Midi discussion Pocosa /// 19 octobre 2016, entre 12 et 13h \\\ Université de Sherbrooke //

 

Invités

  • Donna Cherniak, M.D., Professeure titulaire d’enseignement clinique, Département de médecine de famille, Université de Sherbrooke, Omnipraticienne, Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, CSSS-IUGS/GMF des Grandes-Fourches, Sherbrooke;
  • Damien Contandriopoulos, Professeur et chercheur, Faculté des sciences infirmières et IRSPUM, Université de Montréal;
  • Patrick Lajeunesse, ancien Préposé aux bénéficiaires, responsable de Ressources de type familial et travailleur de rue auprès des aînés pour le Comité d’action bénévole de Coaticook.

Modératrice

  • Annie Carrier, Ergothérapeuthe, Stagiaire postdoctorale, Université de Montréal

Faculté de médecine et des sciences de la santé,
3001, 12ème Avenue du Nord,
Salle X-6214 (auditorium, anciennement FM-6214)

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Ici sur Fb !

 

midipoco

 

En mai dernier, à l’occasion de la table ronde organisée par la Chaire Pocosa, « Culture de la procédure et stupidité fonctionnelle », Paul Lamarche avait trouvé les mots pour susciter un élan en défendant des formes d’actions locales qui échappent aux interdictions formelles et ouvrent sur une possibilité de transformation du système.

Nous souhaitons ici reprendre cette balle « délinquante » pour soutenir des tactiques initiées à contre-courant des contraintes institutionnelles actuelles qui font dériver le système de santé et de services sociaux loin de son objectif d’utilité publique. Techniques managériales, redditions de compte et cibles arbitraires constituent de plus en plus le cadre de réflexion et de mesure dans lequel la réponse aux besoins de la population en termes de santé et de services sociaux devrait se faire. Il en résulte non seulement une inefficience grandissante de cette réponse mais également une détresse de la part des professionnels de santé.

Pour qu’un système fonctionne et échappe à l’abêtissement de sa propre logique procédurale, il faut que les gens qui y travaillent puissent agir avec une certaine marge de liberté et prendre des décisions sans devoir se référer systématiquement aux règlements. Cette capacité d’initiative critique et réflexive repose sur trois éléments, tous trois mis à mal par les dernières réformes du réseau : 1) Le sentiment d’appartenance; 2) Le sens donné à son travail / à son organisation; 3) L’autonomie.

1) La disparition des établissements locaux et la fusion des missions en un seul méga-établissement mine la possibilité d’un sentiment d’appartenance du personnel par rapport à son milieu de travail;

2) le remplacement d’objectifs qui relèvent du sens commun (répondre de façon équitable et adéquate aux besoins de la population) par des objectifs arbitraires, ceci mi-justifié/mi-imposé dans un mélange d’autoritarisme et d’idéologie managériale, érode le sens même du travail et de son organisation en le plaçant en porte-à faux avec sa mission de services publics;

3) une gouvernance de plus en plus centralisée, où la tête sait mieux que les mains ce qu’il faut faire, empêche l’autonomie professionnelle et a des effets délétères sur la santé psychologique au travail.

Ces éléments expliquent le climat de morosité actuel et de fatalisme qui entoure le système de santé et de services sociaux. Que faire pour que le système fonctionne et remplisse de nouveau sa raison d’être ? Comment investir des formes d’action qui soient transformatives ?

**Pour les gens du réseau de la santé et du milieu universitaire : possibilité de connexion via visioconférence. Prière de communiquer avec Annie Carrier Annie.Carrier@USherbrooke.ca**

La surveillance de masse n’est pas de la science fiction.

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Au début, l’affaire s’appelait simplement Lagacé, du nom du journaliste qui a été espionné par les services de police de la ville de Montréal (SPVM) dans le cadre d’une enquête sur l’un de ses policiers. Ça n’a pas pris longtemps, deux jours, pour que le nom du journaliste de La presse ne suffise plus à couvrir l’ampleur du problème révélé et que l’on apprenne qu’il s’agissait, plus largement, de pratiques de surveillance généralisée des journalistes au Québec, conduites non seulement par la SPVM mais aussi par la Sécurité du Québec, avec la bénédiction d’une juge.

À peu près au même moment, on apprenait qu’une ordonnance de la Cour supérieure de Montréal ordonnait à une chercheure de l’UQAM, Marie-Ève Maillé, de remettre à l’entreprise Éoliennes de l’Érable qui les réclamait, les noms des participants à son étude de doctorat (voir la lettre ouverte au Devoir). Cette ordonnance ouvre une brèche supplémentaire dans la protection des données personnelles et menace le fait même de pouvoir conduire des recherches sur des sujets « sensibles ». Nous avions à Pocosa discuté en 2015 du problème aigu que constituait l’accès aux données pour la recherche scientifique et de l’opacité dans laquelle étaient maintenus certains pans de la gouvernance publique; la menace sur la confidentialité des données de recherche, que révèle ces jours-ci l’ordonnance contre Marie-Ève Maillé, constitue un autre aspect tout aussi inquiétant des pressions politiques exercées sur la pratique scientifique et ses participants.

C’est dans ce contexte qu’une foule entassée dans la salle Leacock de l’Université McGill attendait fébrilement de voir apparaitre Edward Snowden sur l’écran de l’amphithéâtre. Après un long délai de mise en place et quelques cafouillages techniques, l’informaticien en exil en Russie a pu commencer sa présentation, plus informelle et raccourcie que prévu pour privilégier la discussion avec la salle (ici le lien vers la conférence).

Ce que rapporte Snowden ne se situe pas dans une marge certes inquiétante mais lointaine du monde. L’enjeu de sa lutte nous concerne toutes et tous car il porte sur la possibilité même de communiquer en privé. Comme citoyens ordinaires nous n’avons rien de bien intéressant à cacher. Mais ce n’est pas la question. Le droit à la vie privée est à la base de la démocratie. Sans vie privée, difficile de préserver longtemps les autres libertés. Que l’on appelle sa mère, un journaliste ou un avocat, on doit pouvoir communiquer en sachant que ces communications relèvent de la sphère privée, sans être mis sur écoute, ni surveillés. Or ce dont témoigne Snowden, c’est le déploiement d’un dispositif de surveillance de masse qui se généralise à un niveau global – notamment dans l’alliance de 5 gouvernements (États-Unis, Royaume-Uni, Australie Nouvelle-Zélande et Canada) – et se dépose dans des contextes juridiques spécifiques, comme on l’a vu au Canada avec la loi C-51. Ces dispositifs locaux et internationaux viennent couvrir et autoriser une étendue toujours plus grande des pratiques de surveillance au nom de la sécurité publique.

La politique de peur conduite par les gouvernements permet à ce dispositif de surveillance d’acquérir en effet toujours plus de pouvoir, en brandissant le terrorisme et la nécessité de le combattre comme légitimité de la saisie massive des données personnelles dont l’utilité publique n’a jamais était démontrée. Paradoxalement cette possibilité quasi illimitée d’accéder aux données privées s’accompagne d’une opacité impénétrable de ces pratiques de surveillance : on ne sait pas ce qui autorise les mandats, ni vraiment sous quel argument juridique ils sont délivrés. Une inversion s’est opérée qui renverse le modèle démocratique des autorités publiques et du citoyen privé en un modèle du citoyen public et des autorités privées. Sous ce régime que décrit Snowden et qu’il qualifie d’autoritaire, c’est le rapport à la loi qui est modifié, celle-ci ne pouvant plus garantir au citoyen la protection de ses droits face à des pouvoirs opaques qui l’instrumentalisent de façon procédurale à leur propre bénéfice, la pousse dans ses retranchements et cela dans un complet détachement du bien commun.

Si, dans cette matrice de surveillance, les journalistes sont traités au même titre que de potentiels terroristes, il est facile d’imaginer la menace que constituent les chercheurs. Quand ils ne se résignent pas aux contraintes de leurs professions, journalistes et chercheurs travaillent à critiquer et faire circuler des idées dans l’espace public, devenu un espace connecté auquel les technologies de communication permettent d’accéder pour y apparaître tout en constituant un vecteur de surveillance et de profilage politique. Plus largement, et comme le souligne Edward Snowden, ce qui se met en place dans le sillon de cette politique de surveillance de masse, c’est un processus de criminalisation du discours qui s’opère selon deux modes paradoxaux : une saisie des données personnelles (pour éviter des crimes) et une rétention des données publiques, avec dans ce cas-ci la justification fallacieuse de protéger la vie privée des citoyens. Dans cette visée-là, qui n’est pas de la science fiction, c’est tout le monde qui est coupable, ou qui pourrait le devenir dans cette alliance coercitive du droit et des big data, les agences de surveillance conservant les données sans autres formes de procès.

Mais il est possible, dans le même esprit hacker qui détourne des technologies pour inverser des rapports de force institués, de développer des formes de collaboration et de solidarité pour brouiller la traçabilité individuelle et déjouer ses menaces (le check in à Standing Rock en soutien aux water protectors contre le Dakota Access Pipeline en est un exemple très récent). D’autres formes collaboratives existent qui visent plus directement à sécuriser les communications, par le soutien, le développement et la mise en accès libre de logiciels et d’applications (Snowden évoquait l’application Signal) open sources qui, éloignés des logiques marchandes, permettent d’encrypter nos traces numériques pour réinstaurer des modes de protection sans laquelle l’espace démocratique ne pourrait se maintenir ouvert.

[Edward Snwoden a été invité par Media@McGill, laboratoire de recherche qui se consacre aux enjeux et aux polémiques liés aux médias, à la technologie et à la culture. Gabriella Coleman, professeure d’anthropologie dont les travaux portent sur la culture hacker et ses enjeux politiques, est à l’initiative de cette invitation.]

 

 

 

 

 

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